Lâchons les chiens, mais sans leurs putains de muselières.

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Pour son premier livre, un recueil de onze nouvelles, Brady Udall a fait l’unanimité auprès de la critique : directement propulsé à la tête de la génération montante des nouvelles plumes de la littérature américaine, et comparé à des auteurs tels que Jim Harrisson. Rien que ça. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que les louanges sont méritées.

Lâchons les chiens, c’est avant tout l’histoire de mecs paumés du fin fond de l’Arizona et de l’Utah, dont les tribulations -qu’ils soient blancs, indiens, cow-boys ou encore séniles- les amènent tous au même croisement : celui de la destinée d’être perdus, brisés, parfois désespérés, l’âme à nu face à leurs égarements et déconvenues respectifs. Du fond de terres isolées du monde ou de bourgades campagnardes, Udall met en scène des personnages qui vont chercher au bout de leur voyage de solitude un sens à leur existence,  parfois en vain. Si le motif peut apparaitre comme une vulgaire lapalissade, rien n’en est. La force d’Udall est de donner vie à des (anti) héros torturés et déchirés par la dualité de leur caractère : si leurs intentions sont souvent bonnes, leurs actions n’en sont que le reflet distordu et maladroit. Sans jamais juger ni justifier leurs actes, l’auteur dresse un portrait sans concession de personnages entiers, à priori franchement détestables ou méprisables pour certains, mais tellement justes avec eux-mêmes qu’on en vient à les accompagner dans leur quête de rédemption. Lâchons les chiens, c’est avant tout la plongée dans l’enfer de l’âme de ses protagonistes qui vont découvrir avec nous la justice dans la violence, l’amour dans la haine, le courage dans le danger. On pourrait presque éprouver la beauté dans la souffrance et les affres de la déchéance la plus totale. Cynique, parfois drôle, Udall livre une composition où se côtoient la noirceur et l’aveuglante beauté des hommes et des contrées qu’ils arpentent, fantômes (pour)suivis par l’ombre troublante de son lecteur.

Un livre puissant et ambigu, porté par une folle énergie, éclairant les ténèbres sans toujours les dégager, Lâchons les chiens épate par son implacable humanité. Merveilleux coup d’éclat pour un premier roman, monsieur Udall.

 

4 réponses à “Lâchons les chiens, mais sans leurs putains de muselières.

  1. Comme ça, on dirait que ça rejoint un peu ce que montre De Maximy. A croire que les gens d’amérique sont tous paumés (ou les gens tout court)

  2. « Domaine étranger » de 10/18 est décidément une collection de qualité. Me rappelle un « Bone » de Dorothy Allison, Amérique profonde et glauque, mais version bayou et poulet frit. Vais tâcher de le trouver, thanks.

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